Il s’agit d’une étude rétrospective menée par P. PATRIZIO, D.H. BARAD, N. GLEICHER, parue dans « Journal of Assisted Reproduction and Genetics » (novembre 2024).
Cette étude intéresse plus de 90 % de centres de FIV aux USA, agréés par le « Center for Disease Control and Prevention – CDC), pour des tranches d’âge de patientes allant de moins de 35 ans à plus de 43 ans.
Les auteurs distinguent pour cette étude plusieurs types de centres selon qu’ils appartiennent à des équipes privées médico-biologiques, des centres académiques hospitalo-universitaires ou des centres appartenant à des fonds privés type private equity/venture capital.
Dans les années 90, la technique de DPI-A a permis d’analyser le caractère euploïde (nombre normal de chromosomes) ou aneuploïde des embryons obtenus en FIV au stade blastocyste.
Il était donc permis d’espérer par le transfert d’embryons euploïdes d’améliorer les taux de grossesses évolutives à terme et de réduire les taux de fausses couches spontanées.
Selon les auteurs, le DPI-A est loin d’avoir confirmé ses espoirs et aurait même empêché le transfert d’embryons viables suspects d’anomalies, mais susceptibles d’évoluer en grossesse normale.
Cette dernière donnée a été confirmée par les articles de BARAD, GLEICHER et coll. parus dans les revues Human Reprod (2023) et Reprod Biologic Endocrinology (2023) : les auteurs ont rapporté des grossesses normalement évolutives après transfert de blastocystes dont le diagnostic de mosaïque/aneuploïde avait été fait par DPI-A.
Malgré des résultats controversés, le DPI-A connaît une progression notable puisqu’aux USA, en 2022, 50% des cycles de FIV étaient accompagnés de DPI-A avant transfert embryonnaire.
Les auteurs se posent donc la question : en l’absence de corrélation évidente entre DPI-A et progrès médical, existe-t-il un enjeu financier du fait d’éventuels liens d’ordre économique liés à l’appartenance des centres de FIV ?
Méthode de l’étude :
Les auteurs ont mené une étude rétrospective sur les données du CDC, qui regroupe près de 90% des services d’AMP au USA.
N’ayant pas accès aux données complètes, les auteurs ont distingués les services dont :
- l’utilisation du DPI-A est faible (0 à 20 %),
- et ce dont l’utilisation du DPI-A est importante (80 à 100 %).
Sur le plan des « liens financiers », 3 types de centres ont été caractérisés :
- les centre privés appartenant à des groupes médicaux indépendants,
- les centres « hospitaliers » académiques, universitaires ou militaires,
- les centres détenus par des fonds d’investissement type private equity/capital venture.
Le critère de résultat est le taux de grossesses évolutives à terme (LBR). Les données du CDC ne permettant pas de différencier les cycles réalisés avec DPI-A des centres, les auteurs rapportent les résultats des centres en distinguant 161 centres avec faible utilisation du DPI-A (0 à 20% centres A) et 35 centres avec utilisation importante du DPI-A (80 à 100% centres B).
Résultats :
1/ Résultats des taux de grossesses évolutives en fonction de l’utilisation du DPI-A : sur 33 725 cycles de traitements de FIV dans les centres de type A, les taux de grossesses relevés sont de 36 % par transfert embryonnaire/les 10 116 cycles réalisés dans les centres B avec des taux de grossesses de 29,8 %.
2/ Résultats en fonction de l’âge des patientes :
- avant 35 ans, les taux de grossesse du groupe A sont de 50,6 % / 45,6 % dans le groupe B,
- entre 35 et 37 ans, il n’y a pas de différence significative en termes de LBR : 36,9 % dans le groupe A / 36,2 % dans le groupe B,
- entre 38 et 40 ans, lorsque le DPI-A est peu utilisé, les taux de grossesses sont plus élevés : 23,2 % / 21 %,
- après 40 ans, il n’y a aucune différence significative en termes de LBR,
- après 43 ans le DPI-A présente un intérêt significatif en termes de résultats : 1,5 % dans le groupe A / 2,7 % dans le groupe B.
Discussion/conclusion
Selon cette étude, l’utilisation en FIV du diagnostic pré-implantatoire de recherche d’aneuploïdie n’a pas d’effets bénéfiques sur les taux de grossesses évolutives, voire même pourrait avoir un effet inverse chez les femmes de moins de 35 ans, puisqu’il n’apparait pas (selon les auteurs) avoir de corrélation évidente entre un diagnostic d’aneuploïdie ou de mosaïque et une grossesse normalement évolutive.
Une étude récente de KUSHEROV et coll. (J. Assist. Reprod. Genetics 2023) portant sur 133.494 cycles de FIV ne montre pas d’effets bénéfiques du DPI-A, sauf chez les patientes âgées de plus de 40 ans, en termes de grossesses normalement évolutives.
Les auteurs retrouvent parmi les 35 centres associant dans plus de 80% des cas un diagnostic pré-implantatoire au protocole de FIV, 15 centres (soit près de la moitié) appartenant à des investisseurs en capital-risque ou fonds d’investissement (private equity).
Selon les auteurs, cette surutilisation pourrait être motivée par des intérêts économiques plus que par des bénéfices en termes de grossesses évolutives.
Pour les auteurs, le besoin d’une innovation médicale responsable dans le domaine de la FIV est quelque fois en contradiction avec les impacts potentiels de la commercialisation excessive de certaines technologies médicales.
NDLR : les limitations de l’étude, également notées par les auteurs, paraissent notables :
- il s’agit d’une étude rétrospective,
- ne tenant pas compte des résultats individuels ni des indications du diagnostic pré-implantatoire : antécédents de fausse couche spontanée, échecs répétés d’implantation embryonnaire, risque de transmission génétique préexistante chez le couple…,
- rattacher l’utilisation « importante » du DPI-A à un intérêt d’ordre financier est une forme d’accusation discutable voire partiale, d’autant que cet enjeu financier peut être également attribué à des centres ayant une appartenance médicale privée indépendante, voire hospitalo-universitaire.
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Greater PGT-A utilization in IVF clinic does not improve live birth rates but relates to IVF center ownership : a preliminary report – P.PATRIZIO, S. DARMON, D.H. BARAD, N. GLEICHER (Journal of Assisted Reproduction and Genetics) : 25 novembre 2024