Qualité de vie après chirurgie de réduction des risques pour la prévention du cancer du sein et de l’ovaire ?

Environ 15 à 20 % des cancers du sein et 4% des cancers de l'ovaire sont en rapport avec des variants génétiques prédisposants. Dans la population générale, le risque de cancer du sein est estimé à 15 % et celui de l’ovaire à 2 %.  Devant une sensibilisation croissante au dépistage génétique, un accès plus aisé et des coûts en baisse, de plus en plus de femmes à risque élevé sont identifiées. Des algorithmes de risque complexes intègrent des facteurs génétiques et non génétiques pour prédire le risque individuel. Actuellement, les stratégies de réduction du risque disponibles comprennent un dépistage plus fréquent, la prévention médicale, la mastectomie et l'annexectomie préventives.

Concernant le cancer de l’ovaire, le dépistage systématique ne réduit pas la mortalité et aucun programme de surveillance n’est proposé même chez les patientes à haut risque. L'annexectomie prophylactique, associant salpingectomie et ovariectomie bilatérale (SOB), est à l’origine d’une insuffisance ovarienne précoce ou prématurée selon l’âge des femmes avec des conséquences souvent néfastes sur la qualité de vie. Une approche émergente est la salpingectomie précoce avec ovariectomie secondaire visant à réduire le risque de cancer de l'ovaire tout en évitant les effets immédiats de la carence estrogénique prématurée.

Une revue systématique avec méta-analyse a été réalisée en utilisant un protocole enregistré de manière prospective (PROSPERO) conformément aux directives PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses).

La population était composée de femmes avec un risque accru de cancer du sein ou de l’ovaire avec un variant pathogène dans les gènes de prédisposition aux cancers du sein ou de l’ovaire ou des antécédents familiaux documentés, représentant un risque de cancer sein et de l’ovaire supérieur à 30% à 40% ou >5% respectivement sur la durée de vie.

L’intervention comportait une mastectomie bilatérale pour le cancer du sein et une SOB ou salpingectomie précoce suivie d'une ovariectomie différée pour la prévention du cancer de l’ovaire. La qualité de vie des femmes après chirurgie prophylactique a été comparée aux femmes sans chirurgie.

34 études ont été analysées utilisant différents questionnaires pour évaluer l’impact des interventions, tels que le SF-36, le BREAST-Q, le SAQ, le MENQOL...

Les résultats ont été regroupés par type d'intervention évaluant la qualité de vie à court et à long terme.

  • Concernant la mastectomie prophylactique : certaines études ont montré une amélioration de la qualité de vie, tandis que d'autres ont signalé des détériorations de la vie sexuelle et l'image corporelle.
  • Concernant la SOB : son impact sur la qualité de vie, la fonction sexuelle et sont variablement altérées
  • Concernant la salpingectomie précoce avec ovariectomie tardive : les résultats sont meilleurs sur la qualité de vie et de la fonction sexuelle 
  • La qualité de vie globale de la chirurgie prophylactique ne semble pas altérée après la mastectomie prophylactique ou l'annexectomie.
  • La fonction sexuelle a été affectée négativement dans certaines études après la mastectomie prophylactique et l'annexectomie, en particulier chez les femmes ne prenant pas de THS.
  • La perception de l'image corporelle après la mastectomie prophylactique estvariable selon les études.
  •  Les symptômes de ménopause sont plus marqués, comme attendu, après annexectomie, en particulier chez les femmes non encore ménopausées alors que la salpingectomie seule évite le plus souvent ces effets indésirables.
  • La crainte liée au cancer diminuée après la mastectomie prophylactique ou l'annexectomie
  • L’anxiété générale et le risque de dépression semblent peu impactés par la mastectomie prophylactique et l’annexectomie.

Cette revue systématique fournit un guide précieux pour les cliniciens conseillant les femmes sur la chirurgie prophylactique. La prise de décision est complexe et évolutive. Comprendre et expliquer l'impact sur la qualité de vie, la fonction sexuelle, l'image corporelle, les symptômes de ménopause et le bien-être psychologique est essentiel.

La mastectomie prophylactique réduit le risque de cancer du sein, diminue la crainte liée au cancer mais a un impact plutôt négatif sur l’image corporelle et la vie sexuelle. Elle est globalement considérée comme « rentable » et associée à un taux élevé de satisfaction.

L'annexectomie bilatérale est recommandée comme stratégie de réduction du risque de cancer de l'ovaire chez les femmes à risque élevé. L'utilisation de l'hormonothérapie substitutive peut atténuer les symptômes de la carence estrogénique et l’altération de la fonction sexuelle.

La salpingectomie précoce suivie d’une ovariectomie, technique plutôt prometteuse, nécessite encore des études supplémentaires pour évaluer son efficacité à long terme et son impact sur la qualité de vie.

Cette revue offre un aperçu approfondi des implications de la chirurgie prophylactique sur la qualité de vie des femmes à risque accru de cancer du sein et de l’ovaire et fournit des recommandations importantes pour une prise de décision éclairée et un suivi clinique approprié. Elle souligne également la nécessité d'une approche individualisée et multidisciplinaire dans la prise en charge de ces patientes, en tenant compte à la fois des aspects médicaux et psychosociaux de la décision de subir une chirurgie préventive. La diversité des résultats de qualité de vie et des outils de mesure rend difficile une analyse exhaustive et comparée. De plus, des biais méthodologiques ont été observés dans de nombreuses études, notamment des durées de suivi courtes et des pertes de participants, ce qui peut affecter la validité des résultats.

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Wei X , Oxley S, Sideris M , et al. Quality of life after risk-reducing surgery for breast and ovarian cancer prevention. Am J Obstet Gynecol 2023; 388-409